Nagaraja
Nagaraja, c'est un petit jeu de course aux points pour deux joueurs sorti en 2019 et conçu par le duo Bruno Cathala / Théo Rivière. Une première collaboration qui accouche d'un jeu mêlant gestion de mains, pose de tuiles, enchères et dés (rien que ça!). Et qui embarque son petit lot de bonnes idées !
A la recherche de l'artefact perdu
Dans Nagaraja, chaque joueur débute la partie devant l'un des deux temples jumeaux indiens du jeu (des plateaux personnels, quoi). Avec un seul but : tenter de devenir le meilleur explorateur, en récupérant 25 points de trésors avant son adversaire.
Lors de chaque tour de jeu, les joueurs se disputent une tuile à coup d'enchères secrètes et de lancer de dés. Celui qui fait le plus gros score gagne le droit de la placer dans son temple pour y progresser, et peut-être réussir un jeton trésor ou un artefact plus rémunérateur.Tout le jeu repose sur un système de cartes multi-fonctions vraiment bien pensées. Chaque partie de carte a son utilité et peut être jouer à différentes phases du tour. La partie haute sert à "parier" : Un joueur va lancer autant de bâtons de destin que de formes dessinées sur les cartes qu'il dévoile (je reviendrai sur ce détail plus tard). Si lors de son lancer il obtient un ou plusieurs "nagas", il peut alors utiliser le pouvoir "bas" d'une autre carte (par symbole obtenu) pour tenter de renverser le court de l'enchère, gagner un avantage pour la suite ou juste porter préjudice à son adversaire !
Une gestion lucide et tempérée de sa main de cartes est primordiale dans Nagaraja, et s'avère être la partie la plus intéressante du jeu selon moi. Entre investir beaucoup pour remporter une tuile sur un tour (au risque d'avoir moins de munitions plus tard), utiliser telle ou telle partie d'une carte au bon moment, il y a des cheveux blancs à se faire.
Moi qui en plus n'est généralement pas un gros fan de jeux d'enchères (surtout à deux, je ne vois pas l'intérêt), je trouve que Nagaraja s'en sert vraiment bien. On peut vraiment surprendre son adversaire (car on peut miser plusieurs cartes si on a des symboles identiques). Et le fait de pouvoir "contrer" le pari de son adversaire avec les "serpents" offrent des vrais choix tactiques pour le genre, même à deux.
Une quête mollassonne ?
Et ce n'est pas l'édition qui va vous gâcher le plaisir, c'est une certitude. Les illustrations de Vincent Dutrait sont tops et collent parfaitement au thème. La boîte et son insert (où tout à sa place, au micron prêt) sont parfaits. Et les composants sont vraiment qualitatifs. Mention spéciale aux bâtons de destin (des dés rectangulaires de différentes tailles) qui, s'ils ne sont pas des plus pratiques à lancer, sont hyper rigolos à manipuler et participent notablement à l'immersion.
Mais alors vous me direz, avec tout ce positif, qu'est ce qui explique cette note ?
Parce que même avec les plus belles intentions du monde, Nagaraja reste le prototype du jeu "one shot". Une belle découverte sur une partie, on se sent vraiment investi dans les premiers tours, mais le jeu rate le coche sur le long terme, à cause de son extrême répétitivité dans ses phases d'actions et d'un positionnement manqué qui ne donnent pas forcément envie d'y revenir.
Bien sûr, ceux qui cherchent un jeu "passe temps", pas prise de tête et plaisant à jouer, trouveront leur compte avec Nagaraja, qui est loin d'être mauvais (relire plus haut pour le détail de ses qualités). Mais un joueur exigeant n'aimera pas ce jeu qui a le "cul entre deux chaises". Pas un jeu de course assez poussé pour cogiter un max (A la Race of The Galaxy). Pas un jeu de dé assez fou fou (à la King of Tokyo) pour des parties délurées.
Je trouve dommage que le hasard soit si punitif (si on a pas les bonnes cartes c'est foutu), et que certaines bonnes idées ne soient pas assez poussées, comme la mécanique des trois artefacts maudits, qui ne semblent n'avoir jamais fait perdre personne (j'ai fais le tour des forums pour vérifier).
Quitte à choisir, j'aurai presque préféré un jeu qui assume son côté hasardeux, avec un seul plateau, la possibilité de se voler des trésors, de mettre des pièges, d'envoyer en prison sans passer par la case départ, de contre-kemser (je m'égare je crois...). Là, se promener dans son temple tout seul, placer quelques tuiles, c'était sympa sur les deux parties jouées, mais on est limite plus proche de l'ambiance soirée annonce présidentielle kro virus que coupe du Monde de coupage de bûche dans le Grand Nord (j'aime les hommes forts et transpirants).
Bien sûr je ne déconseille pas du tout Nagaraja (surtout si vous aimez le thème), qui vaut le coup d'être essayé au moins pour son design, ses dés et son système de cartes bien trouvé. Mais je pense qu'il y a clairement plus intéressant sur ce créneau.